[INTERVIEW] Nicolas Comment : « Rose planète est un disque féministe »
C’est avec une certaine excitation que mes doigts tapotent sur le clavier. Depuis la création de pinkfrenetik.com, bientôt six ans, je n’avais pas encore publié d’interviews. C’est désormais chose faite, puisque j’ai eu la chance de poser quelques questions à Nicolas Comment pour la sortie de son deuxième album, Rose Planète.
Nicolas Comment a sorti son premier album, Nous étions Dieu en 2010. Son timbre chaud était soutenu à l’époque par des titres aux sonorités new wave. En 2013, il compose avec Xavier Waechter l’album Retrouvailles, inspiré des textes poétiques de Bernard Lamarche-Vadel. Enchaînant les projets photographiques et littéraires, Nicolas Comment sort aujourd’hui son deuxième album.
– – – – INTERVIEW – – – –
Pinkfrenetik : En plus d’écrire et d’interpréter des textes, vous êtes photographe. Est-ce le micro ou l’appareil photo qui s’est d’abord retrouvé entre vos mains ? Nicolas Comment : Mon premier est une guitare. Mon deuxième un appareil photo. Mon troisième un micro… Mon tout est un stylo… Mais qui suis-je ?! (rires)
Ne pas chercher à être à la mode, […] en proposant des chansons plutôt intemporelles… À la fois classiques et actuelles
PF : Ce deuxième album est moins rock que le premier. Les cordes, le piano et les cuivres lui confèrent une couleur acoustique, parfois lyrique. Vous souhaitiez donner plus de relief aux textes ? NC : J’avais surtout envie de rompre avec le revival eighties qu’on entend partout depuis quelques années… Je voulais éviter les machines en utilisant un grand piano, un orchestre à cordes, une rythmique basse-batterie, un orgue : ne pas chercher à être à la mode, ne pas suivre la tendance mais essayer de rester digne et de respecter l’auditeur en proposant des chansons plutôt intemporelles… À la fois classiques et actuelles.
PF : « Rose Planète » est un disque charnel. Déjà dans « Nous étions Dieu », « L’attendue » était une chanson érotique. Le sexe, et le rapport aux corps est un sujet que vous évoquez souvent dans vos photos et vos textes. Est-ce l’image qui nourrit vos textes ou l’inverse ? NC : Je crois que mes chansons sont plus crues que mes photographies. Même si le nu y est assez présent, mes livres de photographies sont assez pudiques en définitive… Je pense que l’écriture me permet d’aller un peu plus loin. D’en « montrer » un peu plus… Mais dans la mesure où je parle essentiellement d’amour dans mes chansons, il est logique que l’érotisme soit présent… Le couple m’intéresse. C’est une forme de communauté réduite à son essence. L’amour est peut-être la dernière des utopies… C’est très politique, en fait… Maurice Blanchot l’a très bien exprimé dans la Communauté inavouable : « La communauté des amants, que ceux-ci le veuillent ou non, qu’ils en jouissent ou non, qu’ils soient liés par le hasard, « l’amour fou » , la passion de la mort (Kleist), a pour fin essentielle la destruction de la société. Là ou se forme une communauté épisodique entre deux êtres qui sont faits ou qui ne sont pas faits l’un pour l’autre, se constitue une machine de guerre ou pour mieux dire une possibilité de désastre qui porte en elle, fût-ce à dose infinitésimale, la menace de l’annihilation universelle (…) ». Désolé de citer un écrivain, je sais que c’est mal vu par la presse spécialisée ! (rires)
PF : « Rose Planète » suit l’histoire entre deux personnes, de la découverte à la séparation. On pense à « Melody Nelson » ou « L’homme à tête de Chou » de Serge Gainsbourg, même si la rupture est plus brutale dans ces deux disques. Ce sont des albums qui vous influencent ? NC : Dans Rose planète, il y a, en fait, plusieurs personnages : Camille, Dita, Sexie… L’album est en cela très différent des deux albums de Gainsbourg que vous citez. Je n’ai pas cherché à en faire un album concept à tout prix… Et pas non plus cherché à faire du Gainsbourg, surtout pas. Mais puisque vous m’en parlez, je me demande si ce ne serait pas plutôt l’album « Vu de l’extérieur » qui pourrait faire songer (lointainement) à certains de mes titres… Un disque moins connu de Gainsbourg et surtout moins mythique… « L’homme à la tête de Chou » est évidemment un chef d’œuvre. Je pense que c’est intouchable, inégalable. Même le grand Bashung s’est risqué à l’adapter à la fin de sa vie et je trouve que ce n’était pas très convaincant…
PF : Les douze titres peuvent s’apparenter à douze scènes du même film. Si Rose Planète prenait vie sur grand écran, quel réalisateur verriez-vous derrière la caméra ? NC : C’est une bonne question et je me suis d’ailleurs amusé à illustrer mon album avec des extraits de films… J’ai choisis des séquences d’Alain-Robbe-Grillet, d’Eustache, de Clouzot… et aussi d’Antonioni, mon cinéaste préféré.
Heureusement que les artistes sont chaleureux dans ce milieu parce qu’en face, le monde des maisons de disque, c’est assez pathétique.
PF : Vous avez fait un clin d’œil à Godard sur l’album (Camille). Est-ce que d’autres artistes (de par leur travail ou leur personnalité), de différents domaines, vous ont inspiré ? NC : Beaucoup… En chanson : Gérard Manset, Rodolphe Burger, Christophe, Yves Simon, Jacques Higelin… J’ai eu la chance de bien les connaître tous les cinq. Des nuits de discussions avec Higelin, Christophe, Manset c’est certain que ça laisse quelques souvenirs ! Un jour peut-être que je parlerais de ces rencontres dans un livre… Qui sait ? Heureusement que les artistes sont chaleureux dans ce milieu parce qu’en face, le monde des maisons de disque, c’est assez pathétique : les gens ne tiennent plus paroles. Ce ne sont même plus des hommes… En photo, je me sens proche de Bernard Plossu qui est un maître et un ami de longue date… Je ne connais pas Godard. Mais j’ai beaucoup côtoyé un de ses intimes à une époque : le critique/cinéaste (inclassable) André S. Labarthe qui, lui aussi, m’a beaucoup appris sur le cinéma et l’art en général…
PF : Sur l’EP de « Nous étions Dieu » sortie en 2010, un dessin illustrait la pochette. Il en est de même pour votre nouvel album, c’est Mïrka Lugosi qui a dessiné la pochette. Vous aviez besoin d’un regard extérieur pour illustrer l’album ? NC : Je n’avais pas envie d’apparaître sur la pochette… Déjà pour « Nous étions Dieu », je voulais un dessin (celui dont vous me parlez, d’Anne-Laure Sacriste : une excellente artiste) mais on m’a imposé une photo. Là, j’ai résisté. J’aime depuis longtemps les dessins de Mirka Lugosi. Des dessins d’une très grande finesse. Dans la lignée de John Willie, de Bellmer… Mais réalisés par une femme. Et c’est cela qui est nouveau. Cet érotisme féminin me plait. Je crois que Rose planète est un disque féministe !
PF : Vous avez travaillé avec Christophe sur l’écriture de textes. Cela vous a donné envie de renouer l’expérience avec d’autres artistes ? NC : Christophe est très exigeant. On ne sait jamais ce qu’il va garder ou pas… Si il aime tel ou tel texte. Il fonctionne par intuition, au feeling, et c’est assez étrange de travailler avec lui. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à vivre plutôt que travailler ! C’est son mode, son monde. J’ai écrit pas mal de choses pour lui qui ne seront pas forcément sur son album. Mais qui se retrouveront peut-être sur mon prochain disque… Écrire pour d’autres c’est aussi très inspirant pour soi même !
Depuis la mort de Lou Reed, c’est Nick Cave qui est pour moi « Le Master »…
PF : On retrouve quoi dans votre baladeur / sur votre platine en ce moment ? NC : J’écoute le tout venant sur internet… Sans réelle concentration en vérité. Comme tout le monde, en fait. J’ai surtout pas mal d’albums anciens en tête, que je connais par cœur… Et que je me passe mentalement. Sans platine, juste dans ma tête. Depuis la mort de Lou Reed, c’est Nick Cave qui est pour moi « Le Master »… J’irai le voir au Rex, en mai. Son dernier album est magnifique. C’est un très grand artiste.
Merci à Nicolas pour ses réponses et à Valentine d’avoir permis cette interview.
Écrit par Pinkfrenetik• 26 avril 2015• 16 h 28 min• 2015, Interview
[INTERVIEW] Nicolas Comment : « Rose planète est un disque féministe »
C’est avec une certaine excitation que mes doigts tapotent sur le clavier. Depuis la création de pinkfrenetik.com, bientôt six ans, je n’avais pas encore publié d’interviews. C’est désormais chose faite, puisque j’ai eu la chance de poser quelques questions à Nicolas Comment pour la sortie de son deuxième album, Rose Planète.
Nicolas Comment a sorti son premier album, Nous étions Dieu en 2010. Son timbre chaud était soutenu à l’époque par des titres aux sonorités new wave. En 2013, il compose avec Xavier Waechter l’album Retrouvailles, inspiré des textes poétiques de Bernard Lamarche-Vadel.
Enchaînant les projets photographiques et littéraires, Nicolas Comment sort aujourd’hui son deuxième album.
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Pinkfrenetik : En plus d’écrire et d’interpréter des textes, vous êtes photographe. Est-ce le micro ou l’appareil photo qui s’est d’abord retrouvé entre vos mains ?
Nicolas Comment : Mon premier est une guitare. Mon deuxième un appareil photo. Mon troisième un micro… Mon tout est un stylo… Mais qui suis-je ?! (rires)
PF : Ce deuxième album est moins rock que le premier. Les cordes, le piano et les cuivres lui confèrent une couleur acoustique, parfois lyrique. Vous souhaitiez donner plus de relief aux textes ?
NC : J’avais surtout envie de rompre avec le revival eighties qu’on entend partout depuis quelques années… Je voulais éviter les machines en utilisant un grand piano, un orchestre à cordes, une rythmique basse-batterie, un orgue : ne pas chercher à être à la mode, ne pas suivre la tendance mais essayer de rester digne et de respecter l’auditeur en proposant des chansons plutôt intemporelles… À la fois classiques et actuelles.
PF : « Rose Planète » est un disque charnel. Déjà dans « Nous étions Dieu », « L’attendue » était une chanson érotique. Le sexe, et le rapport aux corps est un sujet que vous évoquez souvent dans vos photos et vos textes. Est-ce l’image qui nourrit vos textes ou l’inverse ?
NC : Je crois que mes chansons sont plus crues que mes photographies. Même si le nu y est assez présent, mes livres de photographies sont assez pudiques en définitive…
Je pense que l’écriture me permet d’aller un peu plus loin. D’en « montrer » un peu plus… Mais dans la mesure où je parle essentiellement d’amour dans mes chansons, il est logique que l’érotisme soit présent… Le couple m’intéresse. C’est une forme de communauté réduite à son essence. L’amour est peut-être la dernière des utopies… C’est très politique, en fait… Maurice Blanchot l’a très bien exprimé dans la Communauté inavouable : « La communauté des amants, que ceux-ci le veuillent ou non, qu’ils en jouissent ou non, qu’ils soient liés par le hasard, « l’amour fou » , la passion de la mort (Kleist), a pour fin essentielle la destruction de la société. Là ou se forme une communauté épisodique entre deux êtres qui sont faits ou qui ne sont pas faits l’un pour l’autre, se constitue une machine de guerre ou pour mieux dire une possibilité de désastre qui porte en elle, fût-ce à dose infinitésimale, la menace de l’annihilation universelle (…) ». Désolé de citer un écrivain, je sais que c’est mal vu par la presse spécialisée ! (rires)
PF : « Rose Planète » suit l’histoire entre deux personnes, de la découverte à la séparation. On pense à « Melody Nelson » ou « L’homme à tête de Chou » de Serge Gainsbourg, même si la rupture est plus brutale dans ces deux disques. Ce sont des albums qui vous influencent ?
NC : Dans Rose planète, il y a, en fait, plusieurs personnages : Camille, Dita, Sexie… L’album est en cela très différent des deux albums de Gainsbourg que vous citez. Je n’ai pas cherché à en faire un album concept à tout prix… Et pas non plus cherché à faire du Gainsbourg, surtout pas. Mais puisque vous m’en parlez, je me demande si ce ne serait pas plutôt l’album « Vu de l’extérieur » qui pourrait faire songer (lointainement) à certains de mes titres… Un disque moins connu de Gainsbourg et surtout moins mythique… « L’homme à la tête de Chou » est évidemment un chef d’œuvre. Je pense que c’est intouchable, inégalable. Même le grand Bashung s’est risqué à l’adapter à la fin de sa vie et je trouve que ce n’était pas très convaincant…
PF : Les douze titres peuvent s’apparenter à douze scènes du même film. Si Rose Planète prenait vie sur grand écran, quel réalisateur verriez-vous derrière la caméra ?
NC : C’est une bonne question et je me suis d’ailleurs amusé à illustrer mon album avec des extraits de films… J’ai choisis des séquences d’Alain-Robbe-Grillet, d’Eustache, de Clouzot… et aussi d’Antonioni, mon cinéaste préféré.
PF : Vous avez fait un clin d’œil à Godard sur l’album (Camille). Est-ce que d’autres artistes (de par leur travail ou leur personnalité), de différents domaines, vous ont inspiré ?
NC : Beaucoup… En chanson : Gérard Manset, Rodolphe Burger, Christophe, Yves Simon, Jacques Higelin… J’ai eu la chance de bien les connaître tous les cinq. Des nuits de discussions avec Higelin, Christophe, Manset c’est certain que ça laisse quelques souvenirs ! Un jour peut-être que je parlerais de ces rencontres dans un livre… Qui sait ? Heureusement que les artistes sont chaleureux dans ce milieu parce qu’en face, le monde des maisons de disque, c’est assez pathétique : les gens ne tiennent plus paroles. Ce ne sont même plus des hommes… En photo, je me sens proche de Bernard Plossu qui est un maître et un ami de longue date… Je ne connais pas Godard. Mais j’ai beaucoup côtoyé un de ses intimes à une époque : le critique/cinéaste (inclassable) André S. Labarthe qui, lui aussi, m’a beaucoup appris sur le cinéma et l’art en général…
PF : Sur l’EP de « Nous étions Dieu » sortie en 2010, un dessin illustrait la pochette. Il en est de même pour votre nouvel album, c’est Mïrka Lugosi qui a dessiné la pochette. Vous aviez besoin d’un regard extérieur pour illustrer l’album ?
NC : Je n’avais pas envie d’apparaître sur la pochette… Déjà pour « Nous étions Dieu », je voulais un dessin (celui dont vous me parlez, d’Anne-Laure Sacriste : une excellente artiste) mais on m’a imposé une photo. Là, j’ai résisté. J’aime depuis longtemps les dessins de Mirka Lugosi. Des dessins d’une très grande finesse. Dans la lignée de John Willie, de Bellmer… Mais réalisés par une femme. Et c’est cela qui est nouveau. Cet érotisme féminin me plait. Je crois que Rose planète est un disque féministe !
PF : Vous avez travaillé avec Christophe sur l’écriture de textes. Cela vous a donné envie de renouer l’expérience avec d’autres artistes ?
NC : Christophe est très exigeant. On ne sait jamais ce qu’il va garder ou pas… Si il aime tel ou tel texte. Il fonctionne par intuition, au feeling, et c’est assez étrange de travailler avec lui. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à vivre plutôt que travailler ! C’est son mode, son monde. J’ai écrit pas mal de choses pour lui qui ne seront pas forcément sur son album. Mais qui se retrouveront peut-être sur mon prochain disque… Écrire pour d’autres c’est aussi très inspirant pour soi même !
PF : On retrouve quoi dans votre baladeur / sur votre platine en ce moment ?
NC : J’écoute le tout venant sur internet… Sans réelle concentration en vérité. Comme tout le monde, en fait. J’ai surtout pas mal d’albums anciens en tête, que je connais par cœur… Et que je me passe mentalement. Sans platine, juste dans ma tête. Depuis la mort de Lou Reed, c’est Nick Cave qui est pour moi « Le Master »… J’irai le voir au Rex, en mai. Son dernier album est magnifique. C’est un très grand artiste.
Merci à Nicolas pour ses réponses et à Valentine d’avoir permis cette interview.
Nicolas Comment sera à la Maison de la Poésie le mercredi 5 mai 2015.
Nicolas Comment
Last modified: 4 octobre 2024
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