Wow, que dire de Jeanne Cherhal ? Si ce n’est que c’est l’artiste (avec Bertrand Betsch) qui m’a guidé vers une écoute moins passive de la musique. Je me souviens de son album Douze fois par an posé sur la table du salon chez ma tante. Son nom gravé en relief sur la pochette et ses chansons malicieuses auront eu raison de moi.
Il y’a eu L’eau en 2006. Un album peu suivi par le public, qui regorge pourtant de bijoux : Le tissu, On dirait que c’est normal. Elle collabore ensuite avec Benjamin Biolay (immanquable Brandt Rhapsodie !) et sort un troisième album studio dans la foulée : Charade. Plus rock, elle est accompagnée sur scène par les musiciens de la Secte Humaine.
Jeanne Cherhal par Frank Loriou
Entre chaque album, Jeanne Cherhal ne chôme pas. Une chanson pour contrer Colonel Reyel, une autre pour apporter son soutien aux Pussy Riot, et plusieurs participations à de nobles causes. Pour les plus curieux, on a pu la retrouver il y’a quelques semaines à la Maison de la Poésie, lisant quelques pages de ses livres préférés, ou souhaitant quelques anniversaires au piano sur Youtube.
Mais ces dernières années, s’il y’a une expérience à retenir, c’est celle du 21 mars 2012. Quarante ans jour après jour après la sortie d’Amoureuse de Véronique Sanson, Jeanne Cherhal célèbre l’album seule sur scène, au 104. Déclaration solennelle à l’auteur d’une Drôle de vie.
Douze ans après son album enregistré en live à Nantes, Jeanne s’est remise derrière son piano. Accompagnée par les trois musiciens qui l’ont suivis pendant l’aventure Amoureuse, l’album Histoire de J. a été enregistré dans les conditions du direct. C’est ce qui frappe à l’écoute de l’album : on est enveloppé dans un véritable cocon.
L’intro de J’ai faim nous attrape par la main pendant plus d’une minute. Elle nous élance vers les premiers mots et le ton est donné : J. est amoureuse. Véritable envolée mélodique, Amoureuse a donc laissée quelques traces.
J’ai faim quand je te regarde
Je pourrai dévorer ton visage
Ta nuque et ton cou
Comme un amoureux jaloux
Attends-tu ça de moi
Noxolo fait partie du panthéon de Jeanne, ces chansons où elle évoque un sujet de société. Elle était assise à côté d’une femme voilée dans Le tissu. Elle racontait la douleur des femmes excisées ans On dirait que c’est normal. Dans Noxolo, elle rend hommage à Noxolo Nogwaza, une jeune femme Africaine assassinée en avril 2011 à Johannesburg, en raison de son homosexualité.
Elle enchaîne sur Quand c’est non c’est non, un titre adressée aux femmes victimes d’abus. Les Françoises (La Grande Sophie, Camille, Olivia Ruiz, Emily Loizeau, Rosemary Standley) l’accompagnent sur la fin, où l’écho de leurs voix retentissent bien après la fin du morceau.
Si dans Charade, sa quête de l’amour était au centre de l’album, elle semble avoir résolu son énigme dans Histoire de J. Elle est la première surprise, criant même Bingo !
La température monte d’un cran. Je me souviens de Jeanne Cherhal accompagnant quelques camarades au piano sur Les nuits d’une demoiselle de Colette Renard en juin dernier au Café de la Danse. Ces paroles déguisées lui ont peut-être inspirées celle tout aussi brûlantes de Cheval de feu. Le cheval (pas mort) de Johnny Hallyday croise ici le cylindre sur lequel rêvait la Madame de Bashung.
Approche un peu cheval docile
Approche voir ce beau missile
Il fait si chaud dans mon varech
Que je pourrais te cuire le steack
Viens fouiller le buisson joli
Viens lustrer les galets polis
Viens goûter la figue à la crème
Que je te gardais pour Carême
La chanteuse dépeint ses défauts, dans un autoportrait à L’oreille coupée, elle-même première étonnée de l’amour qu’on peut lui porter. Une des chansons les plus marquées par l’expérience Véronique Sanson, avec Bingo.
À la manière d’un Merci comme sur L’eau, de Je voudrais dormir sur Douze fois par an ou de Reviens-moi sur Charade, elle nous quitte tout en pudeur avec Femme Debout. Une femme semblable à une tornade d’amour.
La pochette est lumineuse. Le soleil éclaire le visage de Jeanne. La photo semble être prise un matin ensoleillée, alors que la brise était encore présente. Un moment de la journée où l’on se sent bien. Avec quelques frissons. Comme sur l’album.