Déjà sept mois que Daniel Darc est parti rejoindre le paradis, lui qui avait passé sa vie en enfer. Le 30 septembre est sorti son ultime album : Chapelle Sixteen. Un disque où sa foi est au cœur de ces quinze chansons, accompagnées de quatorze titres inachevés.
Un orchestre symphonique ouvre l’album, sur le titre Les 3 singes, où la voix de Daniel Darc vient casser la pureté des chœurs. Une place au paradis, un titre résolument punk, évoque une fois de plus ce lieu qu’il ne pensait pas rejoindre si tard comme il disait souvent. Lui-même était surpris d’être encore vivant, si bien qu’il devait penser chaque instant vivre le dernier jour sur Terre.
Comme sur La taille de mon âme, le producteur Laurent Marimbert a capté chaque phrases de Daniel Darc pendant toutes les séances d’enregistrements, insérant des moments improvisés (Variations 6), de rigolade, mais aussi de grâce (Variations 5). Ces variations montrent que l’ex-chanteur de Taxi Girl était quelqu’un de joyeux et bel et bien vivant.
Sur La dernière fois, il déroule les histoires de sa vie, se remémorant ses conquêtes féminines. Une musique étonnamment légère vient illustrer les histoires de Marie, Sylvie, Fabienne ou encore Annabelle.
Chapelle Sixteen dévoile Daniel Darc dans des situations peu habituelles : chantant un boléro, seul face à un piano, quasiment en acoustique, ce qui est était rarement arrivé par le passé en studio : Des idiots comme moi ou le bouleversant Ita Beila, montrant que la mort l’a déjà côtoyé.
Dans la dernière Variation (numéro 8), il chante This is the end, prêt à accueillir l’ultime titre de ce disque, Les Enfants. C’est donc sur près de onze minutes, que Daniel Darc nous livre une de ses plus belles complaintes. Celle d’enfants pas sages, l’enfant qu’il a été, il y’a très longtemps. Il passe du français à l’anglais avec une dextérité qui lui est propre. Difficile de rester insensible à ses dernières phrases :
Non je n’veux pas y aller,
Non, je n’veux pas y aller,
Non je n’irais plus, jamais là-bas.
Ils me font pleurer
Maman, maman, maman…
Il en profite pour lâcher des mots poignants, dark, parfois drôles : La tendresse c’est plus fort que les coups.
Laurent Marimbert a décidé de vider les tiroirs, afin de ne pas retrouver dans quelques années au rayons disques des FNAC (si celles-ci en vendent toujours, ce qui est moins sûr), des best-of regroupant quelques titres faussement inédits justement.
Sur ces quatorze titres la première partie est dépouillée. Accompagné par très peu d’instruments, Daniel Darc se rapproche encore plus du creux de notre oreille. Chaque mots semble pesé et le rapprocher un peu plus de la mort (battements, larme, dort). L’occasion d’entendre aussi une dernière fois son harmonica qu’il traînait partout avec lui (Bottes de skaï).
Il explore une ville la nuit (Quand la ville dort), qu’il avait déjà visité par le passé avec Daho.
Derniers moments punk sur Jeu à 13 ou espiègles Bonus LP12 guitare rock. Il nous quitte sur une question, C’est quoi l’amour, alors que lui aura déjà la réponse sur ce qu’est la mort.
Je n’ai pas 30 ans, je m’intéresse à Daniel Darc depuis peu de temps donc. Mais deux souvenirs ne sont pas près de s’effacer. Celui d’un concert au Collège des Bernardins, un ancien collège cistercien. Ce soir là, son âme se reflétait déjà sur les murs de la nef.
Et un autre souvenir, quelques mois avant sa mort, au Trianon. Un théâtre usé par le temps, mais bien dans ses fondations, ce qui lui allait si bien. Je me souviendrai de son regard qui transperçait ses Ray-Ban, pendant que quatre grandes lettres illuminaient la salle en rouge : D A R C.
Lui qui voulait faire le plus bel album de tous les temps, s’était résolu il y’a quelques temps à faire plein de chansons. Des chansons qui pourraient être importantes pour les auditeurs, comme l’étaient Elvis Presley ou T.Rex pour lui. Pari réussi pour moi : ses mots, ses écarts, sa voix, son rire caustique, son souffle, ses tatouages et son visage de plus en plus marqué, vont me manquer.